« Rira bien qui rira le dernier », fragments de comédie documentaire | 1ère séance : La cigale, le corbeau et les poulets
Catégorie : Diffusions mensuelles
RIRA BIEN QUI RIRA LE DERNIER : FRAGMENTS DE COMÉDIE DOCUMENTAIRE
«Il n’y a pas de film comique qui ne soit contestataire, on ne peut pas faire un film comique charmant.» (Jacques Tati, Cahiers du cinéma, 1979)
D’accord. Le documentaire, en général, ce n’est pas marrant !
Qu’il « conscientise » sur un mode militant, ou « déplace le regard, en proposant un point de vue » comme on le dit, sans rire justement, dans certains cénacles où les lunettes se portent plutôt rectangulaires et le front, dégagé, le cinéma du réel doit être sérieux ; la messe est dite.
Comme si le paradis de la « réalité » était forcément la récompense du sacerdoce. Sans doute. Mais faut-il oublier que le rire, qui semble pourtant être une qualité spécifiquement humaine, peut s’avérer tout aussi destructeur que n’importe quel essai ronflant ? Que « l’immersion » nous laisse parfois, au bord. Et de glace.L’effet de réel propre au cinéma peut parfois, avec le recul, provoquer une scène drôlatique (la canonique première entrée du Train en gare de La Ciotat n’a-t-elle pas vidé une salle prise de panique ?)…hors-champ.
Certains documentaristes – peu nombreux, certes – ont trahi les causes sérieuses, forcément bonnes. Mais il les retrouvent par surcroît, en cultivant leur goût du dérisoire et des autres, attentifs à la subtile ou grossière alchimie de la comédie humaine : Ils en sont parfois le centre (Pazienza, Mograbi, Moullet…), et dans le cas contraire, ils payent toujours un peu de leur personne (Michel, Breton…). Car rire « au détriment de » est toujours une affaire de pouvoir et d’aliénation. Celle des histrions cathodiques. La comédie documentaire, elle, s’efforce de le faire, « avec ». Mais si filmeurs, filmés et spectateurs peuvent ainsi rire de leurs semblables qui se débattent sur l’écran, c’est paradoxalement dans la distance qu’instaure cet objet imparfait qu’on appelle caméra.
Les projections sont présentées Emmanuel Chicon ou Jean-Baptiste Giuliani et suivies d’un échange avec le public.
Pour cette première séance, c’est avec grand plaisir que nous vous invitons – dans une des salles des Studio – à découvrir la dernière pépite d’Olivier Azam, cofondateur et membre de la coopérative audiovisuelle Les Mutins de Pangée
Dimanche 1er octobre 2017 à 11h
Cinémas les Studio, 2 rue des Ursulines à Tours
Entrée libre
LA CIGALE, LE CORBEAU ET LES POULETS, un film de Olivier Azam, 2017, France.
Suivi d’un échange avec Pierre Blondeau, le buraliste de la Cigale.
La cigale c’est le bureau de tabac et librairie régionaliste de St Pons de Thomières. Mais pas que… c’est aussi un espace de solidarité, un lieu de dialogue et d’engueulades, un endroit où la bande de vieux complices a pris l’habitude depuis bien longtemps de festoyer et d’organiser la résistance…
Le corbeau c’est celui qui en 2009 a envoyé des lettres de menace à Nicolas Sarkozy et d’autres personnalités politiques accompagnées de balles de 9mm.
Et les poulets… et bien, avec ou sans képi, on pourrait dire que ce sont les dindons de la farce.
La cigale, le corbeau et les poulets (B.A.) from lesmutins.org on Vimeo.
Toutes les polices de France sont aux trousses de la mystérieuse « Cellule 34 » qui menace de mort le président de la République. 150 policiers dont la brigade antiterroriste débarquent dans un petit village de l’Hérault. Qui sont ces dangereux papys accusés d’être le corbeau ?
La cigale, le corbeau et les poulets c’est l’histoire invraisemblable d’une farce juridique qui aura inquiété jusqu’à l’Elysée et fait débouler l’élite de la police antiterroriste dans un petit village de l’Hérault où une bande de villageois aux gabarits plutôt Obélix qu’Astérix résistent. Ces drôles de zouaves ont très bien compris que la démocratie ne s’use que si l’on ne s’en sert pas. Une fable de la France d’aujourd’hui.
Lors de la projection du film, vous avez été nombreux à nous questionner sur la durée de tournage du film. Nous en avons pris note et voici la réponse du réalisateur :
Ça a été long pour plusieurs raisons : D’abord la contrainte économique de nos auto-productions, sans subvention ni achat de TV, nous ont conduit à travailler très artisanalement, sur la durée, en menant de front beaucoup de choses. Et puis je ne voulais pas que le film se limite à l’enquête. Nous avons donc retourné cette contrainte en avantage : finalement, la durée nous a permis d’aller plus loin dans la connaissance des personnages et de nouer une confiance plus solide, on sent bien cette évolution dans le film. Après ces années d’approches, on pouvait filmer à quelques centimètres sans que la présence de la caméra ne soit ressentie. Il nous a fallu beaucoup de temps pour faire oublier cette caméra et obtenir que plus personne ne la regarde ni même ne la voit. C’est une des raisons, je pense, qui fait dire à certains spectateurs à la sortie du film : « Mais c’est une fiction n’est-ce pas ? Ce sont des acteurs ? ». Quand on en arrive à ce résultat on est content car ça veut dire qu’il y a probablement un peu de « cinéma » dans le film, contrairement à ce qui nous a été reproché par des établissements de soutien qui pensent que nos films « ne sont pas du cinéma ».
Cette durée permet aussi de voir les personnages se transformer, les cheveux du suisse pousser… La durée, c’est bon pour le documentaire ! Aussi le montage est une lente évolution, très étalée et je monte mes propres films. Cette façon de travailler me permet d’alterner phase de tournages et de montage, de tourner ce qui manque, un aller-retour permanent que je trouve plus intéressant que d’écrire longtemps avant de tourner. Je suis plus à l’aise dans cette forme d’écriture faisant davantage appel à l’improvisation. Mais j’aimerai parvenir à faire des films plus vite. Là, on essaye de terminer notre fresque sur Howard Zinn, commencée il y a 9 ans bientôt… Faut pas mollir ! »